Le tapis berbère: Une histoire de femmes

Dans un geste éminemment féminin, elles brodent en chœur des tapis enchanteurs. Elles tissent leurs rêves, ou rêvent ce qu’elles tissent, grâce à ces fils de laine qui relient depuis des siècles, l’histoire des communautés berbères. 

« Ici, vous ne trouverez pas une maison sans un métier à tisser, ou un tapis accroché au mur, ce n’est pas possible car chez nous, une maison sans tapis, c’est comme une maison abandonnée ou une maison sans piliers » disait Fatima, une habitante de Taznakht. 

A 80 km au sud de Ouarzazate, sur le territoire du grand Taznakht, s’écrit l’histoire d’un peuple libre. Les berbères qu’on appelle aussi les Amazigh, sont les plus anciens habitants du pays, et plus généralement d’Afrique du Nord. Ils possèdent une langue et une culture qui leur sont propres, et luttent depuis leur origine incertaine, pour préserver leur identité. 

Entre le massifs de l’Atlas et de l’Anti-Atlas, où les ressources sont limitées, où la végétation se fait rare, l’are du tapis est une ressource vitale pour ces familles berbères de tradition pastorale. Mais plus encore qu’une ressource essentielle, le tapis berbère, c’est l’écho de ces territoires qui ont accueilli ces tribus au point de devenir au fil du temps, l’écrin de leur identité, où se mêlent à une géométrie abstraite et énigmatique, les symboles de la culture Amazigh. 

Tous les tapis de la région sont des œuvres de la montagne citadelle, le Djebel Sirwa est un massif intermédiaire, situé entre les deux sommets de l’Atlas. Depuis le VIIIe siècle, cette terre de transhumance abrite des communautés berbères dont l’économie repose sur l’activité pastorale. ses bergers sont connus pour la spécificité de leur moutons, leur laine, cette matière à la fois unique et universelle, relie le tapis à l’élevage. 

Réputée soyeuse et brillante, la laine de Sirwa est perçue comme un don du ciel, et revêt un caractère sacré, elle constitue l’âme du tapis et renvoi à la mémoire de générations d’éleveurs et de tisseuses, qui ont lentement et conjointement élaboré ce savoir-faire traditionnel.

Ces tapis sont l’expression de l’identité des territoires des Ait Ouaouzguit. Ils sont tissés dans les douars, ces anciens villages de tentes, qui peuvent être fixes ou mobiles. et dont les populations berbères sont issues. Les douars sont aujourd’hui rattachés à des communes réunissant les descendants de ces tribus nomades, désormais sédentarisées. 

Grâce à ces douars, ces groupements d’habitations, les nomades ont pu avoir une stabilité, ils ont pu subvenir à leurs besoins en eau, cela leur a aussi permis de cultiver leur terre, pour avoir accès à l’agriculture pour se nourrir, nourrir leurs enfants, et leurs troupeaux. Cet environnement a aussi beaucoup aidé les gens à se stabiliser au sein de ces douars. L’évolution de leur mode de vie, a poussé la plupart d’entre eux à s’installer durablement, surtout pour que les enfants, puissent avoir un accès à l’éducation. 

Sur la commune rurale d’Iznaguen, qui réunit une quinzaine de douars, le tapis berbère est aussi le flambeau de l’art des femmes. Elles mettent tout leur soin quand elles lavent, peignent  et tissent cette laine à l’origine du prestigieux tapis Ouaouzguit. Elles sont les artisanes et les gardiennes de cette tradition ancestrale.

Les femmes berbères fournissent couverture, djellaba, cape de berger ou encore chaussures tressées qui servent aux différents instants de la vie quotidienne. 

Elle confectionnent des tapis pour l’utilité de leur foyer. les tapis sont tissés et noués à la main, Brin par brin. certains comptent plusieurs dizaines de milliers de nœuds et se vendent jusqu’à cinq cents euros le mètre carré.

Les femmes tissent ensemble ce fil de laine, qui est aussi ce qui les lie entre elles dans ces contrées isolées. Derrière ses signes énigmatique et ses symboles en forme géométrique se devine un langage si particulier.

Pour ces tribus de tradition orale, les tisseuses font du tapis un manuscrit, elles codent plutôt qu’elle n’expriment, un monde de préoccupations, qui depuis la nuit des temps n’est autre qu’une conversation de mère à fille, l’enfantement, le cycle de la vie ou encore la protection contre le mauvais œil, se racontent avec dextérité au fil de la laine.

Le tapis de Aït Ouaouzguit porte d’identité culturelle des tribus Amazigh, soit à travers ses symboles, soit à travers ses couleurs. Les couleurs dominantes de ces tapis sont le bleu, le rouge, le jaune et le vert, qu’on retrouve sur le drapeau Amazigh.

Des signes qui s’organisent dans une ambiance visuelle où domine le jaune : jaune vif et jaune paille ou jaune safran évoquent la terre, les plantes, le territoire de vie des femmes berbères, considérée depuis toujours comme le pilier de la famille autant que de la société.

La femme tisseuse joue un rôle très important dans la société Amazigh, son rôle est primordial et cela ne date pas d’aujourd’hui c’est le cas depuis très longtemps. La femme berbère est reconnue comme un personnage actif. C’est le moteur et le noyau de la famille et de son entourage. Elle a aussi une grande valeur d’un point de vue économique, à travers son travail, que ce soit pour les tapis, pour l’agriculture quand elle garde les troupeaux, en plus de l’éducation des enfants à la maison.

À une vingtaine de kilomètres d’Aït Ouaouzguit, Taznakht est le temple du tapis. Cette ville se situe au croisement de plusieurs axes routiers importants, qui étaient autrefois de grands axes caravaniers. La vie ne ressemble plus à ce qu’elle était, mais son passé reste gravé dans les murailles de sa vielle Casbah.

Nous sommes à la Casbah qu’on appelle Tighramt en Amazigh. En général Les Casbah sont des constructions bâties en hauteur comme cités fortifiées. Il y en a beaucoup au sud-est du Maroc. A Taznakht, la casbah représente la partie la plus ancienne de La Ville. On retrouve des constructions semblables dans toute la région Draa-Tafilalet au sud-est du Maroc. Sa particularité c’est son architecture

La particularité de la Casbah, c’est son architecture, sa structure en argile et ses murailles défensives.

A l’époque, la ville de Taznakht jouait un rôle commercial primordial à travers le troc des produits. Aujourd’hui c’est son souk hebdomadaire qui est célèbre dans toute la région, c’est la principale plate-forme de commerce des produits de l’artisanat. C’est ici qu’on trouve ces tapis précieux, qui seront ensuite vendus partout dans le monde.

Pendant longtemps, les tapis sont restés confiné dans le cercle familial, ce n’est qu’au début du XXe siècle, sous la pulsion du protectorat français que sa valeur commerciale s’est développée. Ils sont aujourd’hui reconnus comme le fleuron de l’artisanat marocain.

Le tapis berbère joue un rôle important dans la sauvegarde et la préservation du patrimoine culturel Amazigh. La culture berbère est essentiellement une culture orale. Il n’existe pas de texte pour construire et conserver la mémoire collective de ce peuple.

Réputé parmi les plus anciens tapis confectionnés au Maroc, les tapis berbères affichent haut les couleurs de ce peuple, où ces terres arides ont fait surgir de l’or.